Q Jimmy, comment devient-on perturbateur professionnel ?

R J’ai toujours voulu passer à la télé. Quand j’étais petit, j’ai fait une quantité incroyable de castings pour des pubs, mais je n’ai pas été choisi une seule fois. Un jour, un directeur de casting m’a regardé et m’a dit : “Petit, tu ne réussiras jamais à passer à la télé, crois-moi.” Je lui ai juste répondu : “Fuck you, man !” Je pense à ce type chaque fois que je saute.

Q Comment fais-tu pour t’introduire partout ?
R Je commence à m’entraîner quatre semaines avant un événement. Je vais courir à la salle de sport. Je suis rapide : en ce moment, je cours le 100 mètres en onze secondes. Et puis je fais aussi des recherches sur Internet : à quoi ressemble le stade ? où sont les entrées ? Pour finir, je consulte mon avocat.

Q Pourquoi ?
R Il m’explique quelle sanction je risque. En général, ce sont de petites amendes. Pour la finale de la Coupe du monde de foot à Johannesburg, j’ai dû payer 210 euros d’amende. C’était relativement peu. Heureusement, parce que je n’ai pas de sponsor. Je voulais perturber les Jeux olympiques de Pékin, en 2008, mais mon avocat me l’a déconseillé : “Jimmy, ne fais pas ça, c’est la Chine, tu risques de ne jamais sortir de taule.” Du coup, je n’y suis pas allé. De toute façon, la sécurité est trop stricte aux JO.

Q Comment te procures-tu les billets pour les matchs ou les concerts ?
R Je ne peux pas acheter d’entrée à mon nom parce que je suis partout sur liste noire. Mais j’ai presque 150 000 amis sur Facebook, il y a toujours quelqu’un qui m’aide. Avant la Coupe du monde de foot, il y a même un homme d’affaires de Madrid qui voulait me donner 30 000 euros à condition que j’aie son logo sur mon tee-shirt, mais je ne fais pas ce genre de trucs. D’ailleurs, la plupart du temps, je n’ai pas besoin de billet, j’entre sans payer, tout simplement.

Q Comment fait-on pour accéder au site d’un événement sans billet ?
R Il faut avoir une tenue correcte. J’ai des fringues spéciales pour chaque occasion. Une tenue de prêtre, avec ça les contrôles sont moins stricts ; ou un smoking, pour les événements où il y a plein de personnalités. Les agents de sécurité ne regardent pas vraiment les billets, ils se fient à l’impression générale et là ils se disent : “Ouh là ! voilà un type important, il faut que je le laisse passer.”

Q Qu’est-ce qu’il y a encore comme trucs pour parvenir tout devant ?
R J’ai une fausse caméra qui me permet souvent de passer. Et puis j’ai des cartes de presse et des laissez-passer VIP. Quand les personnalités n’ont plus besoin de leur coupe-file après un événement, elles le jettent ou le laissent traîner par terre. Je le ramasse et je m’en bricole un neuf avec.

Q Une fois que tu es au premier rang, quand est-ce que tu te lances ?
R Dès qu’il y a une brèche. La plupart des perturbateurs réfléchissent une seconde de trop – et l’occasion est passée. C’est comme un instinct, j’entends une voix qui me dit : “Cours, Jimmy, cours !”

Q Est-ce qu’il t’arrive de rater ton coup ?
R Il y a quelques semaines, j’étais aux championnats d’Europe d’athlétisme de Barcelone. Je me suis dit : “Et si je faisais un petit entraînement ?” Alors, je demande mon chemin à un policier et il me regarde, complètement scié, et me dit : “Attends, je te connais, toi, tu es Jimmy Jump ; laisse tomber pour aujourd’hui s’il te plaît, ne me fais pas de problèmes, d’accord ?” Les gens connaissent mon visage en Espagne, je ne peux plus rien faire là-bas.

Q Quel est ton prochain objectif ?
R Je veux faire irruption dans l’Olympe des perturbateurs : à la cérémonie des Oscars. Un jour, vous me verrez là-bas.

Repère

Parmi les événements où Jimmy Jump , de son vrai nom Jaume Marquet Cot, a fait irruption :

• Finale de la Coupe du monde de football, Johannesburg, 2010

• Concours Eurovision de la chanson, Oslo, 2010

• Finale du tournoi de Roland-Garros, Paris, 2009

• Demi-finale de la Coupe d’Europe de football, Bâle, 2008 .

Courrier International